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Biographie par le Général Mahieux

 


Le Général Navelet - La base école de DAX porte son nom.
 


Le Général Navelet est né le 4 août 1911, il y a 91 ans, dans le département de la Haute-Vienne. Son père, ingénieur diplômé de l'école Centrale, officier de réserve, est tué au cours d'une reconnaissance devant Verdun en 1916.

Le jeune Jacques Navelet n'a que cinq ans et la vie s'ouvre, pour lui et ses deux frères, sur des perspectives sévères. Ils sont pupilles de la Nation et seront adoptés plus tard par une grande tante Noualhier. Le jugement d'adoption précise que les trois frères s'appelleront Navelet-Noualhier. Le point d'attache de la famille est à Berneuil, en Haute-Vienne, mais les études, les évènements familiaux et les difficultés de l'époque amènent Jacques Navelet dans la région parisienne pour une scolarité couronnée par une entrée brillante à l'école Polytechnique. Il est reçu 13ème de sa promotion en 1931.
 
La généalogie apporte-t-elle un signe du destin pour sa carrière ? Sa grand mère, Céline Noualhier, est arrière petite fille, dans l'ascendance paternelle, du Maréchal Jourdan, commandant en Chef de plusieurs armées et vainqueur des Autrichiens à Fleurus en 1794. C'est, curieusement, la première bataille de l'histoire où l'observation aérienne en ballon joue un rôle prédominant. Effectivement, la vie et la carrière du jeune polytechnicien ne s'attardera pas dans le calme des études supérieures.
 
Lt d'Artillerie, volontaire pour suivre le cours des Observateurs Navigateurs en avion au sein de l'Armée de l'Air, il est victime, après avoir été breveté, d'un grave accident aérien qui l'écarte près de trois mois du service actif.
Affecté à la déclaration de guerre, en 1939, à la célèbre Unité de l'Armée de l'Air qui deviendra la 33e Escadre de reconnaissance, il est abattu en décembre par la chasse allemande au cours d'une mission en profondeur au-dessus de l'Allemagne. Grièvement blessé à nouveau, enfermé dans un camp de prisonniers polonais (il n'y a pas encore de prisonniers français), il ne pourra reprendre contact avec sa famille que huit mois plus tard. Mais l'inactivité et la passivité ne peuvent convenir au Lt Navelet qui multiplie les actes de mauvaise humeur envers ses geôliers. Les sanctions sont à la mesure de son comportement : c'est l'emprisonnement dans la forteresse de Colditz, camp international réservé aux Officiers récalcitrants ( le film" La grande illusion" retrace la vie dans ce camp). Pas plus là qu'ailleurs rien n'impressionne le Lt Navelet.
Avec la complicité d'un médecin militaire belge, il réussit à se faire hospitaliser à l'extérieur du camp, se conduit en malade diminué, docile, semblant accepter le renvoi en captivité à Colditz. Dans le train du retour, quatre "blessés malades" sont aussi gardés par deux militaires. Patience, ruse, organisation, énergie...Les deux convoyeurs sont éliminés à l'aube et, individuellement, pour éviter les risques, les quatre officiers se dispersent rapidement.
Le Lt Navelet est maintenant "travailleur volontaire français en Allemagne" munis de papiers "officiels", habillé en civil. Peut-on imaginer le courage d'un homme seul en milieu hostile, progressant sans aucun moyen, sur de longues distances, vers la liberté ?
La Belgique occupée n'est pas très sûre, mais la population est en principe amie. Le passage de la frontière est risqué mais, avec l'assurance apparente que donne l'audace, le Lt Navelet la franchit, à découvert, sur le porte-bagages de la bicyclette d'un travailleur frontalier belge... Une scène digne d'un bon film !
C'est bientôt Bruxelles où il reste caché chez un médecin pendant deux semaines, encore une frontière à franchir et, enfin, la ligne de démarcation en France pour finalement arriver à Lyon, en zone libre, le 4 novembre 1941. Là, il apprend qu'il est capitaine depuis plusieurs mois...
La vie de garnison ne sera qu'une courte parenthèse dans cette période de guerre, les Allemands envahissent la zone libre après le débarquement des alliés en Afrique du Nord en novembre 1942.
Le Cne Navelet "reprend son sac" et décide de rejoindre le Maroc en franchissant clandestinement les Pyrénées. C'est encore la prison en Espagne pendant plus de quatre mois et, enfin, le Portugal puis le Maroc en juin 1943.
Après tant d'aventures extraordinaires, tant de risques et de souffrances, on est presque tenté d'imaginer que le Cne Navelet devrait retrouver un peu de calme.Mais la guerre continue. C'est le débarquement en Provence, à Ste Maxime, le 15 août 1944, la campagne de France, les Vosges, l'Alsace, puis l'Allemagne et, enfin, l'Autriche à la fin de la guerre en Europe le 8 mai 1945.
Maintenant Chef d'Escadron, peut-on imaginer cet officier supérieur profitant enfin de la Paix alors que la guerre continue en Extrême-Orient contre le Japon ?
Ce serait une erreur, il est volontaire pour un départ immédiat et affecté, dès juin 1945, à l'État Major de l'Artillerie du Corps expéditionnaire en voie de constitution.
Le 2 septembre 1945, le Japon signe une reddition inconditionnelle mais les troubles engendrés par la Guerre dans toute cette partie du monde ne prenant pas fin pour autant. En Indochine, les mouvements nationalistes soutenus par les Japonais, les troupes chinoises et Japonaises, les souverains du Cambodge et d'Annam qui ont déclaré en mars 1945 qu'ils soutiennent le Japon et ne sont plus liés à la France par les traités de Protectorat , donc indépendants, les influences étrangères chino-américaines et, même, les divergences politiques françaises, ont créé des situations confuses et souvent très graves.
Le Général Leclerc envoyé sur place avec le corps expéditionnaire prend cette situation et négocie avec HO-CHI-MINH qui semble le plus influent parmi les représentants des mouvements divers et souvent opposés les uns aux autres. Un accord est signé, mais le gouvernement français n'en approuve pas les conditions et c'est une longue période de discussions qui commence. En France HO CHI MINH, en mission, attend plusieurs semaines la constitution d'un gouvernement. En Indochine, les adversaires politiques d'HO CHI MINH ne lui pardonnent pas cet échec et c'est le Communisme international qui prend la direction des opérations. Après des incidents ce sont les actions de guerre qui débutent par une affaire très grave : le 19 décembre 1946, les garnisons françaises du Tonkin sont attaquées par surprise.
 
Le Chef d'Escadron Navelet, en Indochine depuis le début février, commande trois groupe aériens d'Observation d'Artillerie (G.A.O.A) répartis sur tout le Territoire. Les missions deviennent rapidement Interarmes. Chaque avion, avec ses équipements radios, est le relais du P.C Opérationnel. Il recherche les renseignements et transmet les ordres, règle les tirs d'artillerie, guide l'aviation et renseigne les Unités sur le terrain.
La mission d'une Aviation légère de l'Armée de Terre (ALAT) du futur est entrevue.
Son séjour en Indochine terminé en août 1948, le Chef d'Escadron Navelet, remarque dans son Commandement et par ses compétences opérationnelles, est à nouveau affecté dans l'Aviation légère d'observation d'Artillerie (ALOA) naissante en Allemagne puis à l'École des opérations aériennes combinées en qualité d'instructeur. Dans ses fonctions, il forme des Officiers en France, en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Afrique...
Lieutenant-colonel en 1952, bientôt breveté de l'Enseignement militaire supérieur, il est affecté à l'État Major des Forces Alliées en Centre Europe.
Colonel en 1957, commandant un secteur opérationnel en Algérie, on le retrouve bientôt dans les fonctions d'adjoint au général commandant le corps d'Armée d'Alger.
Général en 1962, à 51 ans, une mission très importante lui est confiée. À la disposition du Premier Ministre, c'est lui qui devient Directeur de la Division "Affaires générales au Secrétariat général de la Défense nationale".
Pressenti pour commander l'École Polytechnique il est, dans le même temps le Général le plus expérimenté pour prendre le commandement de l'Aviation légère de l'Armée de Terre toujours en pleine évolution.
Dans ce Commandement, son expérience incomparable, son influence personnelle, son réalisme et sa maîtrise de tous les problèmes apporteront à cette ALAT qu'il a vu naître la légitimité qui lui revient.
Mais le 27 juin 1967, le "Broussard" à bord duquel il est en mission est pris dans une véritable tornade de type tropical, très localisé, comme il en existe parfois dans la vallée du Rhin. Des trombes interrompent pendant des heures tous les déplacements au sol, tous les moyens radios sont neutralisés, le relief est abrupt sur le versant ouest de la forêt noire... Invisible dans les nuages, le piège a fonctionné... à quelques mètres près...
 
L'ALAT vient de perdre son chef, le Général de Division Navelet, le Colonel Chaudesolle, commandant du Groupement des Unités de l'EST et des Forces françaises en Allemagne, le Chef d'Escadrons Berlandier, Chef du Bureau Effectifs et stages à l'E.M. du Commandement de l'ALAT et un équipage parfaitement qualifié : l'Adjudant Petit et le maréchal des Logis Chef Jacquet.
À l'époque, l'ALAT adolescente, rigoureuse, sûre d'elle même, mais souvent critiquée pour son enthousiasme, ses certitudes et son audace dérangeante, aurait pu encore bénéficier du prestige, du rayonnement et de l'influence de son Chef. C'était une épreuve de plus dans son histoire.

On lira avec émotion et grand intérêt un article paru dans la revue mensuelle des Anciens de l'École Polytechnique, "La Rouge et le Jaune".

Dans cette page remarquable, le Général Mahieux de la même promotion que le Général Navelet, Directeur Général de l'École Polytechnique, fait l'éloge de son camarade, "un ÊTRE DE FEU":
"Il échappe si souvent au danger que nous l'avons pas cru mortel. Abattu au-dessus de l'Allemagne, blessé, prisonnier, il s'évade, revient en France et rejoint les forces d'Afrique du Nord par l'Espagne. Il traverse la France et l'Allemagne dans les rangs de la première D.B. Il part en Indochine au lendemain de son mariage. Il est en Algérie, longuement, et y assume des missions très diverses, toujours avec le même élan générateur d'ordre et d'amitié. Droiture, loyauté courage, douceur des forts, disponibilité, vigueur, sûreté et fidélité, jeunesse de cœur, don de sympathie, intelligence rapide qui se manifeste par un langage à l'occasion abrupt, sang froid, pureté et désintéressement, autorité rayonnante, il se donne tout entier à son devoir, avec autant d'ardeur que délicatesse. Avec joie aussi, Et il en est dévoré.
Avec cela gai et simple. Il fume la pipe. Il joue au tennis et au bridge, et avec quelle classe !
Ce même homme, à la fois candide et très averti, à la carrière étincelante, engagé dans son temps autant qu'on peut l'être, est extraordinairement attaché à sa province. Il dira quelques fois, et ce n'est pas seulement une pure boutade, qu'il aurait mieux fait d'entrer à l'Institut Agronomique et de vivre parmi les siens, à Berneuil."
"Chef de famille comblé. Une épouse admirable, cinq enfants, dont le plus jeune a huit ans. Tout cela n'arrive pas par hasard. Il y a quelques années, au départ du Général Cazelles, il avait été envisagé que Jacques Navelet commande l'École Polytechnique. On l'en avait prévenu et il s'en réjouissait. On ne peut douter que sa réussite y eut été parfaite. Une autre solution a été finalement retenue. Le signataire de ces lignes ne peut pas dire qu'à aucun moment, pendant cette période, la chaleur et la limpidité de ses rapports avec Navelet ne subirent la moindre atteinte.
À ce trait, nos lecteurs, ils s'y connaissent, mesureront la qualité d'âme de notre camarade.
Dieu a rappelé à lui son serviteur. Sans doute sa course était-elle accomplie. Je suis sûr qu'il eût souscrit à cet arrêt. Sans doute aussi la peine des siens est-elle totale, déchirante, irréparable. Mais ils l'acceptent. On ne lie pas sans risque son destin humain à celui d'un être de feu.
Et nous ses camarades, spécialement nous ses camarades militaires, si nous sommes dans la tristesse, nous éprouvons de la fierté.
En 1967, le sang de Jacques Navelet est un témoignage et sa mort l'accomplissement d'un idéal de vie."

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