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Le premier observateur-aérien...

 

Jean Marie Joseph Coutelle est né au Mans le 3 janvier 1748.

par JJ Chevallier

C'est dans cette ville qu'il fait ses études de physique.

A 24 ans il se rend à la Cour de Versailles où il est  professeur de physique du comte d’Artois, le frère de Louis XVI, futur Charles X. C'est là qu'il fait la connaissance d’ Alexandre Charles, un éminent physicien avec qui il s'intéresse aux expériences des frères Montgolfier. C'est d'ailleurs Alexandre Charles qui aura l'idée de remplacer l'air chaud par de l'hydrogène. A la suite de ces expériences une vague d'ascensions en ballon traversera l'Europe.

Pendant la révolution Coutelle se rallie au nouveau régime. Il  avait créé un laboratoire, où il avait installé tous les appareils nécessaires aux expériences sur les gaz, sur la lumière et sur l'électricité. Les  scientifiques, chimistes et physiciens de la région y venaient faire leurs expériences.

Coutelle était donc très connu et c'est ainsi que Louis Bernard Guyton de Morveau, un chimiste et politicien, proposa au Comité de salut public de le charger des premiers essais à faire pour la production de l'hydrogène par la méthode de la décomposition de l'eau.

​Il s'installa aux Tuileries dans la salle des Maréchaux ; on lui confia un ballon de neuf mètres de diamètre, et l'on mit à sa disposition tous les moyens nécessaires à la production d'hydrogène.

 

Il construisit un grand four dans lequel il plaça un tuyau de fonte d'un mètre de longueur et quarante centimètres de diamètre, qu'il remplit de cinquante kilogrammes de morceaux fer. Ce tuyau était terminé à chacune de ses extrémités par un tube. L'un de ces tubes servait à introduire la vapeur d'eau qui se décomposait au contact du métal, l'autre conduisait dans le ballon l'hydrogène résultant de cette décomposition. Ce principe avait été mis au point par Lavoisier.

Le professeur Alexandre Charles et Jacques Conté, physiciens de ses amis assistèrent à la mise en service de ce fourneau à hydrogène. L'opération dura plusieurs jours en raison d'incidents qu'il fallu réparer ou régler. Mais le résultat fut quand même probant puisque cent soixante-dix mètres cubes de gaz furent produits.

 

Dès le lendemain de la première expérience, Coutelle reçoit l'ordre de partir pour la Belgique et d'aller présenter et soumettre au général Jourdan la proposition d'appliquer les aérostats au service de son armée. Jourdan venait de prendre le commandement des armées de la Sambre et de la Moselle fortes d'environ cent mille hommes. Cette armée de Sambre-et-Meuse, investissait la Belgique.

Coutelle partit rejoindre le général à Maubeuge, occupée par les troupes françaises bloquées par les Autrichiens. Arrivé à Maubeuge, il apprit que l'armée venait de quitter la ville pour s'établir à quelques lieues de là, dans le village de Beaumont.
Coutelle repart, il fait la route au grand galop. Aux avant-postes il est arrêté et conduit devant le commissaire de la convention à l'armée du nord, Duquesnoy. Ce représentant de la convention exerçait à l'armée du nord le rôle de commissaire de la convention consistant à mener les soldats au feu et à contraindre les officiers généraux à vaincre sous la menace de la guillotine.
Duquesnoy était à table à l'arrivée de Coutelle,  ne comprenant rien à l'ordre de mission du Comité de salut public dont Coutelle était porteur, il décida de le faire fusiller comme suspect.
Fort heureusement l'entourage du commissaire réussit à lui faire entendre raison et Coutelle finit par rejoindre le général Jourdan. Lequel accueillit sans grand enthousiasme l'utilisation des ballons pour observer les mouvements de l'ennemi. Ils aurait préféré un bataillon car ils étaient pressés par le temps, les Autrichiens se trouvant à quelques kilomètres des lignes, ils pouvaient attaquer d'un moment à l'autre.

Coutelle repartit vers Paris où les expériences reprirent avec un nouveau fourneau, construit à Meudon, capable de produire une plus importante quantité d'hydrogène. Cette fois il y avait sept tuyaux remplis de deux cents kilos de ferraille chacun, de quoi gonfler un ballon capable d'emporter deux personnes
 

C'est en présence de Guyton Morveau, Monge et Fourcroy que furent effectués plusieurs essais atteignant une hauteur de 550 mètres dans un ballon retenu par deux cordes tenues par une dizaine d'hommes.
A cette hauteur on se rendit compte qu'il était aisé d'observer à grande distance à l'aide d'une longue vue. Il sera donc très utile à l'observation militaire. On étudia dès cette époque les moyens de transmettre rapidement au sol les résultats des observations effectuées depuis le ballon. Le seul problème rencontré fut celui du vent qui, lorsqu'il soufflerait trop fort, empêcherait les observations. Ce problème persistera et n'aura jamais de solution même plus tard.

Quelques jours après ces essais Coutelle reçoit l'ordre du gouvernement de créer une compagnie d'aérostiers. Cette compagnie sera composée de trente hommes dont le capitaine Coutelle, le lieutenant Lhomond, sergent-major et un sergent, deux caporaux et vingt soldats. Tous les hommes doivent avoir les compétences nécessaires, que ce soit en chimie ou en menuiserie.
Coutelle se vit remettre un brevet de capitaine commandant des aérostiers de l'artillerie. Sa compagnie fut rattachée à l'état-major général. Il reçut immédiatement l'ordre de rejoindre Maubeuge où l'armée était cantonnée.

Sur place il entreprit immédiatement la construction de son four afin de fabriquer le gaz dont il gonflerait le ballon, l'Entreprenant, qui était en route depuis Meudon.

Sa compagnie essuyant les quolibets des soldats "combattants", Coutelle profita d'une sortie de l'infanterie pour emmener ses hommes au combat, il y eut plusieurs blessés dont deux graves. A la suite de cette action sa compagnie obtint le respect des autres unités de l'armée.

Dès l'arrivée de l'aérostat le four fut allumé et le gonflage commença. Et les observations de reconnaissance purent reprendre.
Coutelle observait tout, les travaux, les mouvements de troupes, les positions. Il transmettait ses ordres à l'aide de fanions blancs, rouges et jaunes de formes différentes qui indiquaient à ses "pilotes au sol" les mouvements qu'ils devaient faire effectuer au ballon, monter, descendre, avancer, reculer, aller à droite ou à gauche.
De leur coté ses hommes au sol lui indiquaient les ordres du commandement à l'aide de fanions étalés au sol.
Les observations étaient consignées sur papier et lestée d'un sac de sable muni d'une petite banderole avant d'être expédiées par dessus bord, pour être ensuite apportées à l'état-major.

Ainsi renseigné le général Jourdan pouvait planifier ses manœuvres.Après cinq jours de ces observations les Autrichiens entreprirent la première opération anti-aérienne. Un canon tira cinq coups en direction du ballon, le premier au dessus, le second passa si près que l'on cru un instant qu'il avait touché le ballon, les suivants n'eurent pas plus de résultat. On redescendit le ballon en quelques minutes. Ce fut la seule attaque que subit Coutelle lors de ce siège.

Le général Jourdan voulait à tout prix prendre Charleroi qui lui ouvrirait la route de Bruxelles, il donna l'ordre à Coutelle de se rendre rapidement devant Charleroi à plus de 40 kilomètres.
N'ayant pas le temps de dégonfler puis regonfler la ballon, il est décidé de le transporter gonflé. On attacha une vingtaine de cordes au filet et chaque corde fut tenue par un soldat. On chargea la nacelle de tout le matériel nécessaire à l'utilisation du ballon, cordes d'ascension, piquets, masses, pioches, bâches, fanions de transmissions et le capitaine Coutelle prit place lui aussi dans la nacelle. A l'aube, cet étrange équipage quitta Maubeuge et passa assez près des sentinelles ennemies qui ne virent rien, les vingt aérostiers tenant les cordes marchaient sur les cotés de la route. Il leur fallut toute la journée pour arriver devant Charleroi. 

Une première reconnaissance avec un officier de l'état-major eut lieu avant la tombée de la nuit. Dès le lendemain, il y eut une autre reconnaissance  dans la plaine de Jumet. Le jour suivant Coutelle resta plus de sept heures en l'air avec le général Antoine Morelot.

Une bataille fut livrée sur les hauteurs de Fleurus, cette bataille était décisive, les autrichiens marchant pour reprendre Charleroi. Coutelle était resté plusieurs heures en observation transmettant tous les mouvements des Autrichiens. Durant cette bataille le ballon essuya quelques coups de carabine mais aucun ne l'atteignit.

Par la suite la compagnie d'aérostiers prit part à toute la campagne de Belgique.

C'est seulement après la prise de Bruxelles que Coutelle revint à Paris. Là il reçoit l'ordre de créer une seconde compagnie qui rejoint immédiatement l'Armée du Rhin, commandée par le capitaine Lhomond, les observations eurent les mêmes succès. Mais malheureusement lors de cette campagne, les deux compagnies furent détruites.

C'était un échec mais Coutelle ne se décourageant pas, le 31 octobre 1794 il créera, sur ordre de l'état et en collaboration avec Conté, l'école nationale d'aérostatique de Meudon où l'on formera de jeunes officiers à la manœuvre des aérostats. Mais leur avenir est déjà scellé, les déclarations de généraux comme Hoche, commandant en chef de l'Armée de Sambre et Meuse qui trouve cette compagnie "inutile et embarrassante", ainsi que leur difficulté à suivre l'armée dans ses déplacements les condamne.

En 1799 les compagnies seront dissoutes et l'école fermée.

En remerciement de ses services Coutelle est nommé chef de bataillon en 1796.

 

Par la suite il participe à l'expédition d'Égypte.
Durant cette campagne le 19 pluviôse de l'an 8 (8 février 1800), Kléber le nomme chef de brigade (colonel) à titre provisoire, mais son matériel ayant été détruit par un incendie il n'exercera pas son emploi de chef de brigade des aérostiers de l'armée d'Orient.

C'est comme scientifique qu'il se distinguera en participant à toutes les recherches avec les nombreux savants de l'expédition.

Durant le voyage de la commission des Arts, à Thèbes, Coutelle a l'idée de rapporter en France les deux obélisques de Louqsor, cette idée sera reprise 25 ans plus tard.

 

De retour en Europe il est nommé sous-inspecteur aux revues par arrêté du 1er nivôse de l'an 10 (22 décembre 1801). Il sera fait membre de la Légion d'Honneur  le 17 janvier 1805. Il suivra la Grande Armée de 1805 à 1807 comme Intendant du Wurtemberg.
 

Durant la guerre d'Espagne il sera blessé, le 29 mars 1809, à la bataille de Medellin. Le 28 juin de cette même année, par lettre patente,  il sera fait Chevalier de l’Empire.

Il sera promu sous-inspecteur de deuxième classe, le 18 décembre 1809.

 

Mis à la retraite en 1816 il sera fait chevalier dans l'Ordre de Saint Louis en 1817.

 

Le Mans lui devra la fondation de l'École Mutuelle et de la première salle d'Asile.

 

Il s'éteint le 20 mars 1835 à Paris où il est inhumé au cimetière du Père Lachaise.

Informations complémentaires.

Il est très intéressant de jeter un coup d’œil sur les procédés de fabrication d’hydrogène au 19e siècle. Le besoin de quantités importantes d’hydrogène s’est fait ressentir lorsqu’on a voulu en remplir des aérostats pour faire l’observation du déplacement des troupes ennemies dans les conflits armés. On savait que placer du fer dans un contenant d’acide sulfurique dégageait de l’hydrogène, mais ça coûtait beaucoup trop cher! On s’est alors replié, dans un premier temps, sur la découverte de Lavoisier que du fer chauffé au rouge pouvait décomposer l’eau. L’oxygène de l’eau se lie alors au fer pour former de la rouille, et l’hydrogène est dégagé. D’ailleurs, voici l’illustration d’un tel système de production d’hydrogène, utilisé en 1794, telle qu’on la retrouve dans un livre de 1868 de Louis Figuier.

Source : Louis Figuier "Les merveilles de la science" , tome 2, page 496.

Pour ceux que cela intéresse voici un PDF extrait de l'ouvrage de Louis Figuier, Les Merveilles de la Science, concernant "les exploits des  aérostats aux armées"  issu des archives de la BNF.

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