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Sans doute ce nom vous est-il familier puisque c'est celui d'une de nos bases écoles.

 

Mais que savez-vous de l'homme, du soldat, de celui qui contre vents et marées a défendu l'idée que l'armée de terre devait posséder en propre les moyens lui permettant d'accéder à la troisième dimension ?

 

Ces quelques lignes ont pour but de contribuer à une meilleure connaissance du premier Commandant de l'A.L.A.T. et d'inciter ceux qui ont servi sous ses ordres, ou tout simplement l'ont connu, à compléter par leurs témoignages cette évocation sans doute lacunaire.

André Lejay est le sixième enfant d'une famille d'origine ardennaise. Il voit le jour le 13 juin 1901 à Fontainebleau où son père, officier de cavalerie, est en garnison.

 

Après la guerre, il est reçu à Polytechnique et choisit l'Artillerie," l'arme savante ".

Après sa sortie de l'école, en 1922, il connaît le déroulement de carrière normal d'un officier de l'époque, alternant les affectations en Allemagne, en France, au Maroc et au Levant. Il prend cependant le temps de passer, en 1930, un brevet de pilote et même d' acquérir un avion.

 

La guerre éclate alors qu'il sert au Groupe de canevas de tir de la 8° Armée. Après un passage au Liban, il rejoint l'Afrique du Nord et sert comme Lieutenant-colonel au commandement de l'Artillerie divisionnaire de la 4° Division Marocaine de Montagne avec laquelle il entame la campagne d'Italie.

 

Sur le modèle américain, les divisions du Corps expéditionnaire sont alors équipées d'avions d'observation Piper Cub L 4. Les pilotes et les mécaniciens sont fournis par l'armée de l'air, les observateurs ainsi que le matériel appartiennent à l'armée de terre. Progressivement, cette dernière doit assumer l'intégralité de la charge en formant des pilotes et des mécaniciens issus de ses rangs. Les missions effectuées préfigurent déjà celles de l'A.L.A.T. moderne: observation, renseignements sur les positions ennemies et amies, liaisons, évacuations sanitaires, vols de nuit et bien entendu, mise en places des tirs d'artillerie.

 

Le Lieutenant-colonel Lejay, dirige l'observation aérienne et terrestre de l'Artillerie Divisionnaire et participe lui-même à de nombreuses missions qui lui valent d'être cité à l'ordre du corps d'armée. C'est donc tout naturellement qu'après son temps de commandement de régiment, il est désigné, en 1946, comme Commandant du Cours Pratique d'Observation Aérienne (C.P.O.A) à Mayence.

 

Son combat commence. Il ne prendra fin qu'en 1957 avec son départ du Commandement de l'A.L.A.T. En effet, après la Libération et forte de l'expérience qu'elle vient de vivre, l'Armée de Terre souhaite s'équiper en matériels aéronautiques. C'est sans compter avec la réaction de l'Armée de l'Air qui, faisant référence aux lois organiques de 1933, obtient en 1945 un arbitrage reconnaissant l'existence d'une aviation d'observation d'artillerie, mais dont les pilotes, les mécaniciens et les appareils appartiennent à l'Armée de l'Air. Le Colonel Lejay se voit donc assisté d'un conseiller technique Air. En 1948, il assure, outre la direction du C.P.O.A., celle de l'ensemble de l'Aviation d'Artillerie. Constatant le peu d'intérêt de l'Armée de l'Air pour la " Petite Aviation ", ainsi qu'il la nomme lui-même, voire l'inertie qu'elle oppose aux décisions du ministre, le colonel Lejay écrit le 22 novembre 1948 à son Inspecteur : "La politique particulière de l'Armée de l'Air, essentiellement négative et sanctionnée par une absence totale de réalisations concrètes, compromet dangereusement l'efficacité de l'action de l'Armée de Terre... Je prends l'entière responsabilité de mon initiative et suis décidé à aller jusqu'au bout de ses conséquences " .

 

Alertées par ses comptes rendus et convaincues par la pertinence de son argumentation, les plus hautes autorités de l'Armée vont reprendre ses propositions et finalement obtenir, en 1952, la décision, enfin approuvée par l'Armée de l'Air, du rattachement à l'Armée de Terre d'une Aviation d'Observation d'Artillerie dont les missions seront cependant limitées à l'observation et à la conduite des tirs.

 

Le 1° août 1953, le Colonel Lejay prend le Commandement de l'A.L.O.A et s'installe à Paris, 2 avenue de Saxe. Le Commandant Razy est son chef d'Etat Major, bientôt rejoint par les Capitaines Coffrand, Capieu, Petitjean....La nouvelle équipe, sous l'impulsion de son chef, va désormais orienter son action vers l'extension des missions de l'A.L.O.A, et partant de ses matériels, au delà des limites fixées par le décret de 1952. Elle obtient en 1954, la création, " à la sauvette ", suivant l'expression de Lejay, d'une section de l'Aviation Légère de l'Armée de Terre au sein du troisième bureau de l'Etat Major puis la création du Commandement de l'ALAT.

 

La nécessité de donner des bases légales à cette évolution conduit le ministre à ratifier des propositions qui lui sont faites par les secrétaires d'Etats à la Guerre et à l'Air, consacrant l'existence d'une aviation organique à l'armée de terre.. Elles sont refusées par le chef d'Etat Major de l'Armée de l'Air. Celui qui est devenu le Commandant de l'A.L.A.T proteste vigoureusement mais n'est pas entendu et l'ALAT doit donc poursuivre dans la confusion ses efforts pour faire face aux menaces qui se précisent en Afrique du Nord, il ajoute " Tout, depuis la puissance atomique jusqu'à la guérilla, impose une mobilité sans commune mesure avec celle des dispositifs classiques. Une utilisation courante de l'espace aérien offre seule des possibilités à la mesure de cette exigence ".(1)

 

S'agissant des matériels, l'action du Général Lejay(2) est également importante. Il est convaincu que l'Armée de Terre devra disposer de ses propres moyens d'appui feu : " si l'on se cantonne sur le plan légal, cette responsabilité échappe à l'Armée de Terre, et en prendre la charge constituera pour celle ci une nouvelle étape ", mais il est farouchement opposé à la polyvalence des appareils : " l'avion à tout faire est une pure utopie. Il ne vient à l'idée de personne de demander un véhicule capable de synthétiser la Jeep, la camionnette et le char.. ".

Conseillé par le Commandant Razy, il oriente l'ALAT vers l'hélicoptère dont il voit bien les potentialités. Il s'oppose aux services techniques sur le choix du Hiller, auquel il préfère le Bell 47 , et sur celui du S55 de Westland.

 

Mais le ton employé dans ses correspondances pour exposer ses idées ou contester des choix n'est pas toujours du goût des destinataires, ou des personnalités mises en cause...Après de nombreuses escarmouches il est mis fin à ses fonctions dans des conditions pour le moins inélégantes. Relatant les conditions de son départ, il écrit : " j'ai appris incidemment , par l'entremise d'un sous officier, que j'étais remplacé. J'ai dû ainsi quitter mon poste à l'improviste, sans avoir la possibilité de prendre congé d'un personnel auquel douze années de commandement m'avaient profondément attaché ".

 

Le Général Lejay rejoint le Groupe de Subdivision de Chartres où il servira jusqu'à l'âge de la retraite, en juin 1959, dans des fonctions qui ne correspondent ni à ses capacités, ni à ses états de service. Il disparaît le 15 décembre 1983.

 

Le concept de l'aéromobilité est en germe dans la pensée et l'action du Général Lejay. La nécessité de conférer une capacité de surmobilité aux actions terrestres, le besoin de disposer d'un appui feu instantané, l'intérêt de disposer d'appareils de types différents et de les optimiser pour une mission donnée.... Pratiquement toutes ces idées seront concrétisées par ses successeurs en les adaptant évidemment aux circonstances. On reste admiratif devant l'imagination, l'absence de préjugés, la largeur de vue, la pugnacité et l'abnégation de cet homme à qui nous devons, pour une large part, les joies immenses que ce métier nous a procurées et procure encore aujourd'hui aux jeunes générations.

 

Oui, le Général Lejay mérite d'être mieux connu.....

 

1- Note du Général Lejay au ministre du 28 juillet 1956

2- Promu le 1° octobre 1955

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