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par le Général André Martini

Le général Cannet nous a quittés.
Premier général commandant l’ALAT issu de ses rangs il est parmi les responsables successifs de notre arme celui, avec le général Lejay, à qui elle doit sans doute le plus. En effet, à chaque étape de sa carrière il a œuvré pour adapter l’ALAT au contexte opérationnel du moment tout en ouvrant des perspectives sur les emplois futurs. Son action s’est exercée dans le domaine des matériels, qu’il affectionnait, comme dans celui de la doctrine d’emploi et des structures. Retracer sa carrière dans l’ALAT, des années 50 aux années 80, c’est donc évoquer 30 années de notre histoire sur lesquelles sa marque aura été permanente et encore visible aujourd’hui.

Jeune officier pilote il sert en Algérie au GH2 sur Bell puis sur H21. Très vite il prend la mesure des défis posés à l’armée de terre par la mise en œuvre d’une quantité importante d’hélicoptères tant les domaines tactique que technique. Appelé par le colonel Crespin à animer le bureau études du GH2 il propose une véritable innovation pour l’époque dans l’emploi des hélicoptères de manœuvre, en préconisant une juxtaposition d’appareils de types différents et d’unités spécialement entrainées à l’utilisation des hélicoptères. Les résultats obtenus sont immédiatement probants, le rendement des opérations est accru et la formule du DIH adoptée dans toute l’Algérie. Cette recherche de l’efficacité à travers la combinaison des moyens aériens et l’emploi de troupes spécialisées dans le combat aéromobile sera reprise dans les grandes transformations que l’ALAT va connaître après la guerre d’Algérie.

De retour en France, le capitane Cannet parfait ses connaissances techniques par un stage de pilote d’essai. Responsable au CEV de l’AL-III, il participe aux expérimentations tactiques de cet appareil équipé de SS11. C’est l’occasion pour lui de développer pour la première fois sa conception de l’hélicoptère d’attaque dans un document de 1960. Un appareil de masse limitée, équipé d’un canon dans l’axe et de missiles, surpuissant, capable de pratique le vol tactique. Il ne reviendra jamais sur ces fondamentaux qui ont donné naissance au Tigre mais finira par concéder que la tourelle n’est pas une si mauvaise idée…

 

Stagiaire à l’école de guerre, il rédige un mémoire dans lequel il argumente la mise sur pied d’une grande unité aéromobile capable de participer à l’exploitation du feu nucléaire. Il reprendra cette idée quelques années plus tard au moment de la création des RHC. La DAM sera cette grande unité à laquelle il songe dés cette époque.

 

Tout naturellement il prend la responsabilité du Groupement ALAT de la STAT .Son action à la tête de cet organisme va s’exercer dans trois domaines majeurs.
Tout d’abord il convainc le commandement et le ministre de renoncer à la réalisation d’un hélicoptère d’attaque conçu en coopération avec les britanniques : le WG13. Cet appareil trop lourd, peu maniable, mal armé et à l’autonomie insuffisante ne correspondait pas du tout aux critères qu’il avait définis précédemment. Il obtient qu’un appareil national soit étudié à partir d’ensembles existants. La coopération franco-allemande prendra le relais mais les études menées à l’occasion de ce projet seront très utiles pour la suite du développement.
Le Puma est alors dans sa phase finale de réalisation. Les caractéristique militaires ambitieuses qui ont été initialement élaborées s’avèrent irréalistes pour l’époque : train automoteur, repliage automatique des pales , vol en formation sans visibilité… Le colonel Cannet ramène le projet à plus de réalisme en mettant à profit son expérience de la guerre d’Algérie : l’appareil aura un grande réserve de puissance pour conserver ses performances en altitude et une autonomie importante, il aura deux portes, la communication entre la troupe transportée et l’équipage sera facilitée, bien entendu il sera tout temps et l’accent sera mis sur sa facilité d’entretien y compris en campagne.
Car une autre préoccupation du colonel Cannet est la permanence des moyens de l’ALAT sur le terrain qui se décline en termes de maintien en condition mais aussi de vol tout temps. D’où les études et les expérimentations qu’il impulse sur les ILS et les radars de campagne. Elles déboucheront sur le radar Spartiate.

 

Appelé à prendre le commandement d’un régiment de transmissions, il ne s’éloigne pas pour autant de l’ALAT. Le général Lagarde est son commandant de division et le futur CEMAT ne se prive pas de ses avis. En effet, une grande réforme de l’ALAT est sur les rails et les décisions ultimes devront être prises par le général Lagarde. Elles viendront conclure les travaux et expérimentations conduites depuis quelques années. Le colonel Cannet soutient l’idée de concentrer les moyens de l’ALAT au niveau des corps d’armées et de distinguer les moyens de combat : les RHC, des moyens d’aide au commandement et aux armes : les GHL. Le commandement de l’ALAT du 1er CA qui lui échoit en 1975 après un temps au commandement de l’ALAT comme chef d’état-major, lui donne l’opportunité de défendre à nouveau ces thèses devant le CEMAT qui y adhère.

 

En 1977 général Cannet prend le commandement de l’ALAT qu’il conservera jusqu’en 1981.Pendant cette période il aura trois préoccupations principales comme en témoigne le plan d’action qu’il diffuse dès sa prise de fonctions.
Tout d’abord faire vivre la nouvelle ALAT ce qui suppose de mener la bataille des effectifs, de roder les unités à leurs nouvelles missions et de sanctuariser des créneaux de temps consacrés à la formation en particulier au tir antichars.
Elargir le domaine d’emploi en prescrivant un pourcentage d’heures de vol à exécuter de nuit avec ou sans jumelles de vision nocturne suivant le niveau de nuit. Il s’agit de maitriser le déplacement avant d’accéder au combat lorsque les équipements le permettront. Préparer l’avenir en s’engageant personnellement dans la définition des appareils futurs, en particulier l’hélicoptère d’attaque.

 

En 1981, devant abandonner le commandement de l’ALAT pour prendre de plus grandes responsabilités, il préfère quitter le service actif. Il fonde alors une société de conseil qui lui permettra encore quelques années de garder le contact avec ce qui fut la passion de sa vie : l’emploi des hélicoptères militaires.

Tel fut le parcours dans l’ALAT du général Cannet.

 

Immense professionnel reconnu de tous, militaires, ingénieurs ou industriels, et parfois craint.
C’est que l’homme était exigeant et ne tolérait pas l’incompétence ou le dilettantisme. Son intelligence vive lui permettait d’accéder rapidement à l’essentiel et il percevait souvent la thèse de son interlocuteur avant que celui-ci l’ait exprimée, ce qui ne manquait pas de provoquer quelque tension entre eux car le général était parfois impatient… Mais nombreux sont aussi ceux qui pourront témoigner de l’attention qu’il portait à ses subordonnés sans parfois la leur manifester directement.


Il serait juste que ce grand soldat, maquisard à 16 ans, ne soit pas oublié et qu’une base de l’ALAT porte son nom. Celle de Valence paraît toute indiquée.

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